La double crise née de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine a fortement perturbé la chaine de valeur logistique mondiale et a révélé la fragilité du continent africain en matière d’approvisionnement.
Dans ce point de vue « il faut aller vers un marché africain commun le plus rapidement possible », indique l’Ambassadeur Albert Muchanga, Commissaire de l’Union africaine (Ua) pour le développement, le commerce, le tourisme, l’industrie et les mines, à l’ouverture des 29ème Assemblées annuelles de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). Le Professeur Benedict Oramah, président d’Afreximbank, n’en pense pas moins. Selon lui, les dirigeants africains ont fait un « travail courageux » en mettant en place la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) entrée en vigueur depuis le début de l’année 2022. Mais pour rendre opérationnel ce vaste marché et tirer profit de son potentiel poursuit-il, « beaucoup dépend maintenant de la jeunesse ». « C’est grâce à la jeunesse que nous allons déclencher l’expansion économique de l’Afrique », indique M. Oramah. C’est pourquoi Afreximbank a décidé de consacrer ces Assemblées annuelles au thème « Réaliser le potentiel de la Zlecfaf dans l'ère post-Covid-19 : tirer parti du pouvoir de la jeunesse ».
Accompagner l’énergie créatrice de la jeunesse africaine
Le président d’Afreximbank a rappelé que la jeunesse a toujours été le catalyseur des transformations économiques et à la base de chaque révolution industrielle dans les économies avancées. Citant l’exemple des États-Unis et du Canada qui sont montés au rang de grandes puissances industrielles en 1900, à l’époque ou leur population de moins de 45 ans était de 83 % et 82 %, respectivement ; et la population entre 15 et 45 ans était de 48% et 47% dans les deux pays. Les jeunes ont également joué un rôle central dans le « miracle asiatique » qui a propulsé l'Asie du Sud-Est de la pauvreté à la prospérité des années 1970 aux années 1990. En 1980, la population de moins de 45 ans en Chine, en Corée du Sud, en Malaisie, à Singapour et à Taïwan variait entre 76 % et 80 %. « La bonne nouvelle est que l'Afrique se retrouve exactement au même endroit que les États-Unis et le Canada dans les années 1900 et l'Asie en développement dans les années 70, 80 et 90 », estime Pr.Benedict Oramah. Aujourd'hui, 85 % de la population du continent a moins de 45 ans et 45 % a entre 15 et 45 ans. Un « atout » « plus précieux que toutes les ressources pétrolières et minérales ». Ainsi, pour accompagner l’énergie créatrice de la jeunesse africaine, Afreximbank a mis en place différents outils, notamment un fonds de 500 millions de dollars. A travers cette initiative, la banque s'associe au Centre du commerce international (Itc en anglais) pour former les propriétaires de petites entreprises et les jeunes entrepreneurs en Afrique au commerce avec d'autres pays africains dans le cadre de la Zlecaf.
Le choix du thème de cette année, s’explique par le fait qu’il convient aussi de tirer parti du riche patrimoine culturel de l'Afrique et du pouvoir créatif de sa jeunesse. « Les industries créatives et culturelles ont le pouvoir de stimuler la croissance économique et d'approfondir l'intégration économique en alimentant une convergence culturelle », explique pour sa part, le Dr Hyppolite Fofack, économiste en chef d’Afreximbank. À travers son Creative African Nexus (Canex), dont la prochaine édition est prévue au mois de novembre à Abidjan, Afreximbank, veut réduire le déficit de capital auquel sont confrontées les organisations créatives africaines investissant dans les jeunes talents pour exploiter leur pouvoir créatif.
Se préparer pour faire face aux futures crises
L’économie mondiale s’achemine vers des bouleversements profonds avec la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre la Russie. Avec leurs répercussions attendues sur le marché de l’énergie et l’approvisionnement en produits alimentaires, Michael Spence, professeur d’économie et de business à l’Université de New York, lauréat du Prix Nobel en 2001, invite à repenser les chaines de valeur. En effet, dans un contexte où l'Afrique représente 16 % de la population mondiale, les implications de la crise ukrainienne sur la sécurité alimentaire pourraient s'avérer encore « plus importantes que les impacts de la pandémie de Covid-19 », a alerté Mme Kanayo Awani, Directrice générale de l’Initiative commerciale intra-africaine chez Afreximbank. Malgré tout Michael Spence se veut optimiste, car selon lui, la Zlecaf est « un accélérateur pour booster l’économie d’un continent de 1,4 milliard de consommateurs ». Abondant dans le même sens, Vera Songwé, Directrice exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (Cea), souligne que la rupture des chaines de valeur mondiales impose à l’Afrique de revoir ses structures de production, tout en résolvant ses problèmes de connectivité.
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi venu assister à la cérémonie officielle de ces Assemblées, trouve paradoxale la position l’Afrique qui malgré son immense potentiel agricole (avec 60 % des terres arables du monde), dépend des céréales russes et ukrainiennes pour vivre et se met, de ce fait, dans la situation de première victime de la crise alimentaire mondiale actuelle.
Surmonter les barrières
Pour Donald Kaberuka, ancien président de la Banque africaine de développement (Bad), l’Afrique doit se préparer à faire face aux futures crises. « Ce dont nous avons besoin » dit-il « c’est de reconstruire nos économies, une résilience, afin d’éviter la résurgence de ces crises. Nous devons nous focaliser sur l’Afrique, avoir un regard sur notre propre avenir », recommande le banquier.
Et Benedict Oramah d’ajouter, avec la Zlecaf, les pays africains pourront « récolter les fruits de leurs complémentarité ». Cependant, le succès de la Zlecaf dépend de la levée de plusieurs barrières tarifaires et non tarifaires, reconnaît le Commissaire de l’Ua Albert Muchanga. Il cite notamment la nécessité de relever les standards de fabrication, afin de donner de la valeur ajoutée aux produits africains, tout en diversifiant les exportations. Le développement des infrastructures constitue aussi un préalable. « Comment peut-on réaliser le rêve de 2,5 milliards d’habitants en 2050 si on ne peut pas voyager par train entre Le Caire et Nairobi par exemple ? », s’interroge le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Pour aider à surmonter les barrières qui entravent le commerce intra-africain, Afreximbank a investi 20 milliards de dollars ces cinq dernières années et prévoit de doubler ce montant dans les cinq ans à venir, explique son président Benedict Oramah. « Nous avons augmenté la part du commerce intra-africain du portefeuille de la Banque de 3 % en 2016 à environ 27 % en 2021 », s’est-il félicité. En outre, la banque aide les entrepreneurs africains à soumissionner pour des projets liés aux infrastructures africaines. Au cours des dernières années, environ 12 milliards de dollars américains ont été investis pour soutenir de tels projets. Par ailleurs, Afreximbank a lancé, en janvier dernier au Ghana, le Système panafricain de paiement et de règlement (Papss en anglais) visant à stimuler le commerce intra-africain. Une plate-forme « révolutionnaire » qui, aux yeux de Mme Kanayo, facilitera les paiements transfrontaliers en devises africaines locales et devrait stimuler considérablement le commerce intra-africain en minimisant l'utilisation de devises fortes et en rendant les paiements transfrontaliers moins chers et plus fluides. « Il existe actuellement 42 devises en Afrique et le Papss réduira considérablement les coûts de convertibilité des devises et fera économiser au continent plus de 5 milliards de dollars par an en frais de transaction de paiement, ce qui profitera aux nombreuses Pme et jeunes entrepreneurs à travers le continent », clame -t-elle. Par exemple, le Papss permettra à un négociant nigérian qui importe d'Égypte de payer ses importations en nairas tandis que l'exportateur égyptien recevra le paiement en livres égyptiennes. Enfin, d’après Hyppolite Fofack, économiste en chef d’Afreximbank, la réforme de l'intégration commerciale dans le cadre de la Zlecaf renforcera la stabilité macroéconomique dans toute l'Afrique, car l'accord sur les règles d'origine, qui entrera en vigueur au plus tard cette année, va accélérer la diversification des sources de croissance et de commerce.
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Dans ce point de vue « il faut aller vers un marché africain commun le plus rapidement possible », indique l’Ambassadeur Albert Muchanga, Commissaire de l’Union africaine (Ua) pour le développement, le commerce, le tourisme, l’industrie et les mines, à l’ouverture des 29ème Assemblées annuelles de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). Le Professeur Benedict Oramah, président d’Afreximbank, n’en pense pas moins. Selon lui, les dirigeants africains ont fait un « travail courageux » en mettant en place la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) entrée en vigueur depuis le début de l’année 2022. Mais pour rendre opérationnel ce vaste marché et tirer profit de son potentiel poursuit-il, « beaucoup dépend maintenant de la jeunesse ». « C’est grâce à la jeunesse que nous allons déclencher l’expansion économique de l’Afrique », indique M. Oramah. C’est pourquoi Afreximbank a décidé de consacrer ces Assemblées annuelles au thème « Réaliser le potentiel de la Zlecfaf dans l'ère post-Covid-19 : tirer parti du pouvoir de la jeunesse ».
Accompagner l’énergie créatrice de la jeunesse africaine
Le président d’Afreximbank a rappelé que la jeunesse a toujours été le catalyseur des transformations économiques et à la base de chaque révolution industrielle dans les économies avancées. Citant l’exemple des États-Unis et du Canada qui sont montés au rang de grandes puissances industrielles en 1900, à l’époque ou leur population de moins de 45 ans était de 83 % et 82 %, respectivement ; et la population entre 15 et 45 ans était de 48% et 47% dans les deux pays. Les jeunes ont également joué un rôle central dans le « miracle asiatique » qui a propulsé l'Asie du Sud-Est de la pauvreté à la prospérité des années 1970 aux années 1990. En 1980, la population de moins de 45 ans en Chine, en Corée du Sud, en Malaisie, à Singapour et à Taïwan variait entre 76 % et 80 %. « La bonne nouvelle est que l'Afrique se retrouve exactement au même endroit que les États-Unis et le Canada dans les années 1900 et l'Asie en développement dans les années 70, 80 et 90 », estime Pr.Benedict Oramah. Aujourd'hui, 85 % de la population du continent a moins de 45 ans et 45 % a entre 15 et 45 ans. Un « atout » « plus précieux que toutes les ressources pétrolières et minérales ». Ainsi, pour accompagner l’énergie créatrice de la jeunesse africaine, Afreximbank a mis en place différents outils, notamment un fonds de 500 millions de dollars. A travers cette initiative, la banque s'associe au Centre du commerce international (Itc en anglais) pour former les propriétaires de petites entreprises et les jeunes entrepreneurs en Afrique au commerce avec d'autres pays africains dans le cadre de la Zlecaf.
Le choix du thème de cette année, s’explique par le fait qu’il convient aussi de tirer parti du riche patrimoine culturel de l'Afrique et du pouvoir créatif de sa jeunesse. « Les industries créatives et culturelles ont le pouvoir de stimuler la croissance économique et d'approfondir l'intégration économique en alimentant une convergence culturelle », explique pour sa part, le Dr Hyppolite Fofack, économiste en chef d’Afreximbank. À travers son Creative African Nexus (Canex), dont la prochaine édition est prévue au mois de novembre à Abidjan, Afreximbank, veut réduire le déficit de capital auquel sont confrontées les organisations créatives africaines investissant dans les jeunes talents pour exploiter leur pouvoir créatif.
Se préparer pour faire face aux futures crises
L’économie mondiale s’achemine vers des bouleversements profonds avec la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre la Russie. Avec leurs répercussions attendues sur le marché de l’énergie et l’approvisionnement en produits alimentaires, Michael Spence, professeur d’économie et de business à l’Université de New York, lauréat du Prix Nobel en 2001, invite à repenser les chaines de valeur. En effet, dans un contexte où l'Afrique représente 16 % de la population mondiale, les implications de la crise ukrainienne sur la sécurité alimentaire pourraient s'avérer encore « plus importantes que les impacts de la pandémie de Covid-19 », a alerté Mme Kanayo Awani, Directrice générale de l’Initiative commerciale intra-africaine chez Afreximbank. Malgré tout Michael Spence se veut optimiste, car selon lui, la Zlecaf est « un accélérateur pour booster l’économie d’un continent de 1,4 milliard de consommateurs ». Abondant dans le même sens, Vera Songwé, Directrice exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (Cea), souligne que la rupture des chaines de valeur mondiales impose à l’Afrique de revoir ses structures de production, tout en résolvant ses problèmes de connectivité.
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi venu assister à la cérémonie officielle de ces Assemblées, trouve paradoxale la position l’Afrique qui malgré son immense potentiel agricole (avec 60 % des terres arables du monde), dépend des céréales russes et ukrainiennes pour vivre et se met, de ce fait, dans la situation de première victime de la crise alimentaire mondiale actuelle.
Surmonter les barrières
Pour Donald Kaberuka, ancien président de la Banque africaine de développement (Bad), l’Afrique doit se préparer à faire face aux futures crises. « Ce dont nous avons besoin » dit-il « c’est de reconstruire nos économies, une résilience, afin d’éviter la résurgence de ces crises. Nous devons nous focaliser sur l’Afrique, avoir un regard sur notre propre avenir », recommande le banquier.
Et Benedict Oramah d’ajouter, avec la Zlecaf, les pays africains pourront « récolter les fruits de leurs complémentarité ». Cependant, le succès de la Zlecaf dépend de la levée de plusieurs barrières tarifaires et non tarifaires, reconnaît le Commissaire de l’Ua Albert Muchanga. Il cite notamment la nécessité de relever les standards de fabrication, afin de donner de la valeur ajoutée aux produits africains, tout en diversifiant les exportations. Le développement des infrastructures constitue aussi un préalable. « Comment peut-on réaliser le rêve de 2,5 milliards d’habitants en 2050 si on ne peut pas voyager par train entre Le Caire et Nairobi par exemple ? », s’interroge le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Pour aider à surmonter les barrières qui entravent le commerce intra-africain, Afreximbank a investi 20 milliards de dollars ces cinq dernières années et prévoit de doubler ce montant dans les cinq ans à venir, explique son président Benedict Oramah. « Nous avons augmenté la part du commerce intra-africain du portefeuille de la Banque de 3 % en 2016 à environ 27 % en 2021 », s’est-il félicité. En outre, la banque aide les entrepreneurs africains à soumissionner pour des projets liés aux infrastructures africaines. Au cours des dernières années, environ 12 milliards de dollars américains ont été investis pour soutenir de tels projets. Par ailleurs, Afreximbank a lancé, en janvier dernier au Ghana, le Système panafricain de paiement et de règlement (Papss en anglais) visant à stimuler le commerce intra-africain. Une plate-forme « révolutionnaire » qui, aux yeux de Mme Kanayo, facilitera les paiements transfrontaliers en devises africaines locales et devrait stimuler considérablement le commerce intra-africain en minimisant l'utilisation de devises fortes et en rendant les paiements transfrontaliers moins chers et plus fluides. « Il existe actuellement 42 devises en Afrique et le Papss réduira considérablement les coûts de convertibilité des devises et fera économiser au continent plus de 5 milliards de dollars par an en frais de transaction de paiement, ce qui profitera aux nombreuses Pme et jeunes entrepreneurs à travers le continent », clame -t-elle. Par exemple, le Papss permettra à un négociant nigérian qui importe d'Égypte de payer ses importations en nairas tandis que l'exportateur égyptien recevra le paiement en livres égyptiennes. Enfin, d’après Hyppolite Fofack, économiste en chef d’Afreximbank, la réforme de l'intégration commerciale dans le cadre de la Zlecaf renforcera la stabilité macroéconomique dans toute l'Afrique, car l'accord sur les règles d'origine, qui entrera en vigueur au plus tard cette année, va accélérer la diversification des sources de croissance et de commerce.
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