Parrainage : la classe politique divisée…se radicalise


Rédigé le Mardi 22 Mars 2022 à 10:32


Le fantôme du parrainage hante les rêves de la classe politique à quelques quatre mois des élections législatives prévues au 31 Juillet 2022.


La loi N°2018-22 du 4 Juillet 2018 dispose que « Toute candidature à une élection, présentée par un parti politique légalement constitué, par une coalition de partis politiques légalement constitués ou une entité regroupant des personnes indépendantes est astreinte au parrainage par une liste d'électeurs. » C’est là ou réside le problème pour l’opposition sénégalaise. 

 Mais faut-il le rappeler,  le parrainage existe au Sénégal depuis 1963, c’est véritablement en 2018, que le système  , conçu comme un filtre légal, pour réduire les nombres exponentiel de listes et candidatures en compétition, a été renforcé et durci, en même temps que le montant de la caution   jugé aussi très élevé par cette même opposition.  

Non sans nourrir un vif débat contradictoire, le parrainage  défraie la chronique, à quelques mois des législatives prochaines,   avec des joutes verbales  nourries  entre protagonistes  du jeu politique pouvoir comme opposition.. 
 De fait, le parrainage existe depuis l’aube de nos indépendances et l’idée de filtrer les candidatures à des fins de conservation du pouvoir a toujours présidé à son instauration   dans le système électoral au Sénégal.  

 Ce fut le cas en 1963 déjà, où, pour être candidat à la présidentielle, il fallait être parrainé par un parti politique légalement constitué ou par 10 députés. Ce qui ne risquait pas de se produire en période de parti unique, où la vie politique est sous une chape de plomb. 

En effet qui eut osé,  dans contexte de traque sournoise aux opposants, défier les « pères de la Nation » ? On comprend dès lors que législateur parle de parti légalement constitué. Cette loi a été modifiée en 1991 pour élargir son champ d’application aux candidatures indépendantes, pour contrôler d’éventuels Robin des Bois qui  seraient tentés de se présenter .  

La loi du 4 Juillet 2018 s’inscrit dans la même veine. Elle institue un parrainage, qui exige d’être inscrit sur le fichier électoral et de présenter un nombre de signatures allant de 0.8% à 1% des électeurs inscrits et un quota de 1000 parrains dans au moins 7 régions. Mais elle n’est pas sans poser d’énormes problèmes quant à son application. 

L’opposition sénégalaise, après avoir  acquiescé en 2019 lors de la présidentielle, en allant à cette élection, schant qu’elle allait à  l’échafaud veut aujourd’hui revenir sur les règles du jeu. Sur plus de 8 candidats au palais de Léopold Sédar Senghor, seuls 5 avait pu décrocher le quitus.  

Aphone sur la question depuis lors, , c’est maintenant  en 2022,  avec ces législatives qu’elle entend tirer les choses au clair en s’opposant au parrainage.  
C’est YEWWI  Askan Wi qui ouvre la fronde lors d’une conférence de presse tenue le 14 Mars en présence de tous ses leaders dont Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Malick Gakou, Habib Sy, Aida Mbodj et Cheikh Tidiane Diéye etc….. 

La position exprimée par Cheikh Tidiane Dièye lors de cette rencontre est que  le système du parrainage viole le secret du vote, puisqu’il indique le choix du citoyen par le simple fait du parrainage. Etant donné que le bon sens veut selon lui, qu’on parraine son candidat préféré, dès lors, le secret du vote est violé. Sinon, on se retrouve alors dans une situation d’achat de conscience et de corruption, dans laquelle on parraine un candidat pour de l’argent et on vote pour un autre pour de l’argent.  

 Dans la foulée  la coalition YAW exige la participation de Khalifa Sall à ces joutes électorales à venir, car estime -t-elle, l’ancien Maire de Dakar n’est point frappé d’inéligibilité en vue de la présidentielle de 2024, clame -t-elle avec fermeté   
La coalition Gueum Sa bop a enfoncé le clou le même jour, lors d’une conférence de presse aussi, invitant l’opposition « à se dresser comme un seul homme contre cette nouvelle forme d’oppression » au besoin,  mettre en place « un cadre unitaire de lutte contre les dérives monarchiques et électoralistes de la coalition BBY. » 

Fraichement nommée coordonnatrice nationale des opérations de parrainage de la majorité présidentielle, l’ancienne Premier Ministre Aminata Touré a aussitôt porté la réplique à l’opposition. Très en  verve, avec prestance et une bonne présence scénique,  elle a d’abord   relevé  l’incohérence de celle-ci,  qui après avoir accepté le parrainage en 2019,  veut le rejeter en 2022. Ce qui selon elle, n’est « qu’enfumage et intoxication » de la part de l’opposition, non sans brandir  des menaces à peine voilées, soutenant avec fermeté « désormais toute action sera suivie de réaction ». 

La loi sur le parrainage stipule que « dans une élection, un électeur ne peut parrainer qu'un (01) candidat ou une liste de candidats et qu'une seule fois. Dans le cas d'une présence sur plus d'une liste, le parrainage sur la première liste contrôlée, selon l'ordre de dépôt, est validé et est invalidé sur les autres. »  

C’est une  disposition qui a l’avantage de la coalition au pouvoir qui dispose de suffisamment de moyens, humains, logistiques et financiers, pour mettre en place ses équipes de collecte motivées, et assécher le « marché des signatures ».  
Cette situation est de nature à favoriser  les cas de doublons dans les listes concurrentes.  Même si les parrainages invalidés pour cause de doublon peuvent être remplacés sous 48 Heures après notification, le délai reste court dans bien de cas pour les porteurs de listes pour y satisfaire.  

Même si la loi prévoit des peines d’amende et de prison pour les coupables de double parrainage, il faut reconnaitre les auteurs de doublon lors de l’élection présidentielle de 2019 sont jusqu’ici dans  une totale impunité . Ce qui pose un problème de l’applicabilité car  l’intention de frauder n’est pas toujours facile à établir 

Mieux ! Le système de contrôle et vérification des dossiers de parrainage, tel que retenu par le législateur pose de sérieux problèmes.  
En effet, on sait que les candidats déposent un dossier physique, et envoient le dossier électronique à l’organisme de contrôle. Comment vérifier la conformité du dossier électronique, à celui physique qui est le référentiel,  à l’échelle de millions de signatures et autres informations?  
Quelle est la preuve matérielle de cette vérification, s’il n’y a pas la présence des partis politiques ? 
L’on comprend alors, pourquoi, Cheikh Sidiya Diop, SG de la Ligue des Masses, Mamadou Lamine Diallo, leader de Tekki, et avec eux toute l’opposition, considère ces élections législatives comme étant censitaires, au regard du montant de la caution et discriminatoires au regard du dispositif du système de parrainage. 

La radicalisation des deux camps, qui  jouent à se faire peur est lourde de danger. D’autant que Yééwi Askan Wi exige la participation de Khalifa Sall aux prochaines joutes électorales, en dépit de sa situation judiciaire. 
Décidément les enjeux des locales de Janvier et ceux des législatives de Juillet augurent d’une élection présidentielle lourde d’incertitudes pour 2024. Et c’est peu dire. 
 
Samba Moussa LY 


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