Politique : Parti Socialiste, grandeur et décadence de l’ogre de Colobane


Rédigé le Mardi 22 Février 2022 à 15:14


Au lendemain de la victoire de Macky Sall, candidat et de la coalition Benno Bokk Yakaar, le principe altruiste du « gagner ensemble et gouverner ensemble », avait été brandi et, Ousmane Tanor Dieng(OTD), le leader du parti socialiste avait accepté le poste de Président du Haut Conseil des Collectivités territoriales. Savait-il qu’il venait de sceller le sort de ce parti qui l’a fait, et qu’il a refait !


Le baobab de Nguéniéne était-il alors à bout de souffle, pour avoir porté, sur ses épaules, le parti socialiste, depuis la césure de 1996, lors du congrès historique, dit congrès de « l’ouverture et de la rénovation ». Théorisé par les Abdou Rahim Agne, Robert Sagna, le philosophe Abdoulaye Elimane Kane, le journaliste Abdoul Salam Kane etc…

Un congrès qui consacre, plus qu’une rupture épistémologique et sémantique, un renouvellement pur et simple de tout le personnel et du leadership du parti, pour scruter de nouveaux horizons.

La purge des Rénovateurs

Lorsque OTD a fini de prendre les rênes du parti, et d’installer ses hommes   aux commandes, il a provoqué une forte hémorragie avec un départ massif des hauts cadres, désormais nommés caciques ou Barons.
Nombreux étaient les frustrés, les uns avaient claqué la porte, avec fracas, les autres encore sous le choc, se sont éclipsés sur la pointe des pieds.

Les premiers, sortis par la fenêtre, se signaleront à la porte avec leur propre parti, non sans réclamer une légitimité usurpée par l’enfant de Nguéniéne. Eux qui depuis Senghor ont blanchi sous le harnais socialiste se voient mal coiffés à la tête de leur parti par un OTD, tardivement venu au socialisme.

D’ailleurs OTD ne doit son ascension qu’à la volonté d’un Abdou Diouf qui lui-même, a été contesté en son temps, par le choix de Senghor, qui l’avait mis à la tête de l’Etat et du parti. Ousmane Tanor Dieng est la goutte de trop. Il incarne une double usurpation de légitimité historique. Celle de Diouf, puis la sienne.

Le parti socialiste des Adja Arame Diène, Abdoulaye Diack, Lobatt Fall, Chimère Diaw, Mbaye Jacques Diop, et autres Ndioro Ndiaye avec leur folklore, se heurte au mur froid de la technocratie qui prend le parti en main. Doucement, mais surement.

De sa longue marche le pouvoir entre les dents, le Ps n’a jamais connu une telle fracture, certaines figures emblématiques prendront la décision de se forger un destin en dehors du Ps, au terme d’une lutte fratricide. Sous le regard amusé d’un Abdou Diouf,  sure de son fait, rassuré par la manière dont le premier secrétaire OTD tient son parti rénové et ouvert à l’apport des cadres technocrates.

Avec organisation et méthode, comme l’assénait le nouveau Think Tank des rénovateurs, le Bureau Organisation et Méthode (BOM), agora des jeunes loups aux dents longues  tissait sa toile à partir de la présidence.

Ainsi, Djibo Leyti Ka le berger de Thiarny s’en ira créer l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD), en réponse à une administration centrale du parti qui manquait de démocratie, il sera suivi plus tard de Moustapha Niasse qui met en place l’Alliance des Forces du Progrès(AFP). Ils en avaient vu bien d’autres depuis Senghor…

Deux figures emblématiques du Ps depuis Senghor, toujours dans des relations conflictuelles et qui n’ont jamais été d’accord, sauf dans leur inimitié à OTD. Ironie du sort.

 
Un tueur froid nommé Wade

Le rêve d’un parti socialiste rénové et ouvert à la modernité avec le recul, n’était pas saugrenue, il répondait à un besoin d’attractivité face à l’érosion du pouvoir, après 40 ans de règne et face au besoin irrépressible de changement, exprimé par les populations.

La preuve ? Quatre années après survint la première alternance démocratique dans notre pays ! Le vieil opposant historique, Me Abdoulaye Wade accède à la magistrature suprême, après 26 ans de lutte. Celui qu’on nomme  le pape du Sopi réalise vite que pour diriger, il ne pouvait se passer ni des cadres PS tapis dans l’administration centrale de l’Etat, ni de leur expérience, d’autant que le PDS en manquait terriblement.

Il va s’employer alors à démanteler le Ps, brandissant tour à tour le bâton et la carotte. Les officines de répression de l’enrichissement illicite activées, quelques malheureux iront à Rebeuss, comme Abdoul Aziz Tall , ancien du BOM, et ex- directeur général de la LONASE.

On se souvient encore de la déclaration du maire de Kaolack, Abdoulaye Diack, disant s’il a volé…il n’a pas mangé seul. Panique chez les vaincus. C’est le point de départ, au demeurant du phénomène Bamba Fall : la transhumance. Ce sont des pans entiers du Ps qui s’écroulent. Beaucoup de cadres rejoignent les libéraux au pouvoir les uns pour étouffer leur indélicatesse, les autres à la recherche de positions de pouvoir.

La maison du parti socialiste à Colobane, jadis grouillante de monde chaque jour de la semaine, jusque tard dans la nuit, affiche un grand vide à part quelques nostalgiques.  On y entend, dans leur solitude, chanter les oiseaux.

Cela va durer de 2000 à 2008 jusqu’à l’arrivée des jeunes comme Barthelemy Dias, Cheikh Seck,  Bamba Fall,  Alioune Ndoye etc….

Le Ps ne s’en est relevé qu’avec l’apport de quelques individualités dont Aissata Talla Sall, Pape Babacar Mbaye, Mame Bounama Sall, Aminata M Ndiaye et Abdoulaye Elimane Kane, les hommes de l’ombre, Khalifa Sall et l’arrivée des mouvements affiliés, comme Vision Socialiste de Malick Noel Seck et autres.

A part les communes de Dakar Plateau avec Alioune Ndoye, de Grand-Dakar avec Jean-Baptiste Diouf, de la Somone avec Saliou Diouf qui ont sauvé le PS d’un véritable désastre, il est difficile aujourd’hui de trouver une commune socialiste.

Le baobab serait-il tombé avec OTD ?

La disparition du premier secrétaire du parti socialiste, OTD a fini de sonner le glas pour les verts de Colobane. Le parti socialiste était déjà divisé par le fait  qu’il n’ait pas eu son candidat lors de la présidentielle de 2019, pour la première fois de son histoire.En lieu et place le PS avait investi Macky Sall sous l’égide de BBY.

Taxawou Sénégal de Khalifa Sall a été un réceptacle de plus de quatre-vingt cadres du Ps et bien de militants pour faire face à la volonté de l’APR de lui ravir la mairie de Dakar.

Aminata Mbengue Ndiaye, la première secrétaire, par ailleurs présidente du HCCT aprés la disparition de Tanor, vient de convoquer il ya 4  jours, le Secrétariat Exécutif National du parti, le saint des saints de ce parti. « Cette 79ème séance, élargie aux députés, aux membres du HCCT et du CESE donnera », selon le document de convocation, « l’opportunité d’une part de tirer les premiers enseignements des élections territoriales du 23 janvier 2022, d’échanger sur les modalités préparatoires « d’une évaluation exhaustive et, d’autre part de dégager de nouvelles politiques » .

Ainsi , le Parti socialiste sort de sa torpeur pour tirer les enseignements des locales de ce 23 janvier 2022, après la bérézina des territoriales de 2022.  Après le départ de Aissata Tall Sall vers un avenir osé qui l’aura menée à la chancellerie, la mort de OTD, les atermoiements vis-à-vis de BBY et les derniers soubresauts lors des élections locales, les ingrédients de la descente dans les abimes de l’oubli du plus grand parti politique depuis l’indépendance étaient réunis.
Que reste-t-il du parti socialiste aujourd’hui ?
Samba Moussa LY
 
 
 
 


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